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En dépit d’une faible croissance économique mondiale et de la baisse des cours de certaines matières premières, l’économie d’Afrique reste vigoureuse. Après avoir réalisé une croissance de 4.6 % en 2014, l’Afrique pourra réaliser une croissance de 5 – 6 % en 2015. Ces perspectives reposent sur la hausse attendue des investissements publics dans les infrastructures, l’augmentation de la production agricole et le développement des services. Pour Francisco Ferreira, économiste en chef de la Banque mondiale/Région Afrique, « L’Afrique devrait rester, selon nos prévisions, l’une des trois régions du monde à la croissance la plus rapide et devrait poursuivre sur la lancée de ces 20 dernières années, marquées par une croissance ininterrompue ».

Si le contexte extérieur était meilleur, la croissance économique aurait pu être plus vigoureuse et se situer au-delà de 5 %. La baisse du prix des matières premières et des investissements directs étrangers (IDE) liée au ralentissement de l’économie mondiale limite la portée des performances ainsi que des conjectures. Il faut du reste noter que les matières premières représentent environ 80 % des exportations totales de l’Afrique subsaharienne. Quelques inquiétudes pèsent sur les perspectives économiques de 2015, notamment une éventuelle hausse des déficits publics, les effets néfastes du terrorisme, la persistance de l’instabilité politique dans certaines zones, l’éventualité de chocs liés au climat et les répercussions de l’épidémie Ebola [qui a sévèrement touché la partie Ouest du continent]. Une étude de la Banque mondiale de septembre 2014 a indiqué que si le virus continuait de se propager dans les trois pays les plus touchés : Guinée, Libéria et Sierra Leone, son impact économique pourrait s’en trouver quasiment décuplé, avec des coûts énormes pour ces États fragilisés.

Tendances de la croissance en Afrique

La croissance de 4.6 % réalisée par l’Afrique en 2014 a été essentiellement le fait des pays exportateurs de pétrole et des pays à faible revenu. Il faut quand même noter que l’accélération de la croissance ne s’est pas encore traduite par une amélioration considérable des conditions de vie. La pauvreté a reculé, mais de manière assez lente. Les Gouvernements des pays devraient prendre des mesures additionnelles  pour réduire l’incidence de la pauvreté dans le continent. Pour la Banque mondiale, il faudrait utiliser les filets de protection sociale (subventions ciblées pour les familles pauvres).

Des pays comme la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda, le Mozambique, et le Burkina Faso, ont des économies très diversifiées quoique n’ils ne soient pas exportateurs de pétrole ou de minerais. Ils ont réalisé une croissance rapide justifiée en grande partie, par la mise en œuvre de bonnes politiques économiques. En créant une situation macroéconomique stable, les Gouvernements de ces pays ont permis à la fois à la consommation de rebondir et d’entretenir l’investissement ainsi que la croissance.

Pour sa part, l’Afrique du Sud, deuxième économie de l’Afrique, a connu un ralentissement de la croissance en raison des problèmes structurels et du manque de confiance des investisseurs. Son économie a affiché un timide taux de croissance de 1 % au deuxième trimestre 2014 en glissement annuel, son niveau le plus faible depuis la crise financière de 2009. Par contre, au Nigeria, première économie de l’Afrique, l’activité économique s’est consolidée au cours de l’année 2014. Son taux de croissance est passé de 6.2 % au premier trimestre 2014 à 6.5 % au deuxième trimestre 2014 en glissement annuel.

Dans bien des pays à faible revenu tels que la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Mozambique et la Tanzanie, la croissance est restée soutenue. En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, l’importante augmentation de sa  production de cacao et de riz a fortement stimulé l’activité agricole et tiré la forte croissance économique du pays. L’économie de l’Ethiopie est soutenue essentiellement par l’agriculture et les investissements publics (en particulier dans les infrastructures).

Quant à la région Afrique du Nord, elle reprend progressivement le sentier de la croissance (1.2 %) grâce aux efforts d’amélioration du contexte politico-sécuritaire. La reprise en Egypte tient essentiellement à la reconstitution de la confiance des investisseurs et à l’accroissement du volume des exportations en dépit d’un contexte extérieur assez resserré. La reprise de la croissance en Tunisie s’explique par une reprise de l’investissement privé et celle du Maroc par le rebond des exportations des produits autres que les produits pétroliers.

Il importe de noter que globalement, la croissance en Afrique est essentiellement soutenue par l’extraction de ressources naturelles et par le secteur des services. La contribution des industries et de l’agriculture à la croissance est en baisse, alors même que la majorité des travailleurs et près de 3/4  des populations les plus démunies vivent aux dépens de l’agriculture vivrière. Entre 1996 et 2001, la croissance par habitant dans les services s’est élevée à 2.6 % en moyenne, contre 0.9 % dans l’agriculture et 1.7 % dans l’industrie. Cet état de choses montre que l’Afrique connait une industrialisation lente et qu’elle ne saura pas réduire sensiblement la pauvreté ainsi que sa vulnérabilité vis-à-vis des chocs émanant des marchés mondiaux.

Pour Punam Chuhan-Pole, économiste principale à la Banque mondiale, “Les économies africaines ont été transformées par près de deux décennies de forte croissance, mais les évolutions structurelles n’ont pas été au rendez-vous. La majorité des emplois en Afrique restent agricoles, même si les services progressent fortement, à l’inverse du secteur industriel et manufacturier ».

Le modèle de croissance du continent devrait augmenter la productivité agricole et encourager la diversification des revenus dans les zones rurales. En libérant une partie de la main d’œuvre agricole, ce modèle devrait déboucher sur des transformations structurelles susceptibles de réduire sensiblement la pauvreté. Le développement des économies locales et des emplois en zone rurale appelle davantage d’investissements publics, afin d’améliorer l’offre de biens et services dans les secteurs de l’éducation, la santé, le transport, l’énergie et des technologies de l’information et de la communication (TIC). Pour faire une croissance plus solide et auto-entretenue, l’Afrique a besoin de développer sa base industrielle. Elle devrait ainsi continuer à s’assurer des meilleurs fondamentaux, notamment un climat des affaires favorable, la stabilité macroéconomique, l’accès à une énergie fiable et bon marché,  les transports moins coûteux et une main d’œuvre plus qualifiée.

Perspectives de croissance en Afrique

Les économies africaines poursuivront leur croissance en 2015 grâce à l’investissement privé et à la consommation, qui sont depuis plusieurs années des moteurs essentiels de la croissance. Le PIB de l’Afrique devrait s’accroître en 2015 et 2016 à un taux de plus ou moins 5 %. L’essor de la classe moyenne, l’amélioration du cadre économique et la baisse du coût des affaires constitueront les principaux piliers de la croissance économique en Afrique.

Quoiqu’étant bonnes, les perspectives de croissance en Afrique demeurent exposées à un certain nombre de risques de revers. Parmi ces risques, il y a lieu de citer la baisse des cours pétroliers, la baisse des prix des matières premières, l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, une nouvelle vague d’affaiblissement sur les marchés en développement, la persistance de l’instabilité politique dans certaines zones, ou encore l’éventualité de chocs liés au climat.

Le rythme modéré de la croissance mondiale continuera à limiter les performances des économies africaines. Le resserrement des conditions financières mondiales dans les pays développés tels que les Etats-Unis peuvent également conduire à la sortie de capitaux privés et accroître la volatilité des devises. Aussi, un nouveau ralentissement de la demande chinoise pour les matières premières affecterait négativement les revenus commerciaux du continent. La sous-région Afrique de l’Est devrait enregistrer la croissance la plus rapide en 2015 et 2016, respectivement 6.8 et 6.6 %.

Selon la Commission Economique pour l’Afrique (CEA), le Kenya et l’Ouganda seront des moteurs de croissance essentiels dans les deux prochaines années. Le Kenya devra tirer parti de l’expansion rapide des services bancaires et des télécoms ainsi que des investissements et infrastructures, particulièrement dans le secteur du transport ferroviaire. La croissance de l’Ouganda sera confortée par l’augmentation d’activité dans des secteurs de la construction, des services financiers, des transports et des télécoms.

L’Afrique du Nord et l’Afrique Australe devraient connaître une accélération de leur croissance, de 1.6  et 2.9 % respectivement en 2014 à 3.9 et 3.6 % en 2015. Ces perspectives de croissance en Afrique du Nord tiennent au regain de stabilité politique dans la sous-région. La croissance devrait s’orchestrer en 2015 à 4.6 % au Maroc (contre 3 % en 2014) et à 4.3 % en Libye (contre -21.8 % en 2014). L’Algérie et la Tunisie devraient conserver un rythme de croissance similaire: 3.3 % en 2015 contre respectivement 3 % et 2.7 % en 2014. Des transformations économiques plus profondes sont nécessaires en Afrique du Nord pour assurer une croissance vigoureuse dont les bienfaits seraient largement partagés afin de créer suffisamment d’emplois pour une population active en forte expansion. En Afrique australe, l’Angola, le Mozambique et la Zambie devraient rester les sources de croissance les plus rapides. En 2015, les accélérations de croissance devraient principalement être tirées au Botswana par l’accroissement du volume des investissements (dans les secteurs autres que celui du diamant), en Afrique du Sud par la reprise de la consommation des ménages, et au Mozambique par un rebond des investissements dans le secteur minier et l’exploration du gaz.

En ce qui les concerne, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale devraient connaître une progression modérée de leurs taux de croissance, de 4.3 et 5.9 % respectivement en 2014 à 4.7 et 6.2 % en 2015. La recrudescence de l’instabilité politique et du terrorisme dans certains pays de la région comme le Mali, le Nigeria et la République de Centrafrique empêcherait une expansion économique plus forte. En Afrique de l’Ouest, l’épidémie d’Ebola et l’instabilité politique possible accrue à l’approche des élections au Nigeria constituent les principaux risques pour les perspectives.

S’agissant de la RDC, elle continuera à afficher un taux de croissance supérieur à la moyenne de la sous-région et à la moyenne du continent. Ses performances sont soutenues par les industries extractives, les investissements publics en infrastructure et le développement des services.

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